RENCONTRE AVEC L’ŒUVRE D’ART - LE GÉNIE DE MOZART
Au commencement Mozart grand maître du silence, génie triomphant, sa
musique reflète la sublimité de l’univers. Claude Bouvard
" Lorsque les anges jouent pour Dieu, ils jouent du Bach; lorsqu''ils jouent entre eux, ils jouent du Mozart et Dieu écoute aux portes."Karl Barth
théologien protestant (1886-1968)
MOZART ET LE WOK SANS FRONTIÈRE
L'enlèvement au sérail ou ce n'est que Mozart qu'on assassine
1781 : Dans
L’Enlèvement au
sérail, Stephanie
(librettiste) et Mozart (qui a lui-même grandement participé à
l’écriture du livret) font échanger à Blonde, jeune Anglaise
prisonnière du Sultan, et le garde Osmin qui ne parle que
despotisme possessif, séquestration, torture, asservissement de la
femme, et qui donc veut posséder physiquement la jeune femme, le
dialogue suivant (Acte II, scène 1) :
Blonde :
« Tu t’imagines sans doute avoir affaire à une esclave…
qui obéit en tremblant à tes ordres ? Mais là tu te trompes
fort ! On ne se livre pas à ces fantaisies avec les
Européennes ; avec elles, on s’y prend tout
autrement ».
Osmin:
« Moi
je suis ton maître et toi tu es mon esclave ; j’ordonne, tu
dois obéir ! »
Blonde :
« Moi
ton esclave ? Ha ! Une femme une esclave ? Répète-moi
cela encore une fois ! »
Et
d’ajouter un peu plus loin : « Les
femmes ne sont pas des marchandises qu’on offre ! Je suis
anglaise, née pour la liberté, et je défie quiconque veut me
contraindre…Une femme est une femme où qu’elle soit. Si vos
femmes sont assez sottes pour se laisser opprimer, tant pis pour
elles ! »
Dans
sa colère, Osmin s’écrie : « Par
Mahomet, par Allah, c’est le diable en personne ! »
Et
dans le duetto qui suit, Blonde enfonce le clou : « Jamais
un cœur
né dans la
liberté ne se laisse réduire en esclavage ».
Oui :
c’est bien au XVIIIe siècle que ce dialogue fut écrit et chanté.
La question que je pose est la suivante : oserait-on aujourd’hui
imaginer une telle scène, de tels propos, par exemple dans une
comédie musicale ? Qu’adviendrait-il, je vous le demande ?
Il
adviendrait que l’on accuserait les auteurs de stigmatiser les
fidèles de la religion d’amour. Ce dialogue serait qualifié de
nauséabond par les bien-pensants de tous bords et l’œuvre serait
censurée pour politiquement non correct.
Alors
me direz-vous, on ne joue donc plus de nos jours ce chef-d’œuvre
de Mozart ? Eh bien justement, c’est là le pire : si !
Mais alors tout va bien ? Il n’y a pas de censure ? La
réponse est encore : si ! Et c’est encore là le pire.
Car la censure
moderne, voyez-vous, est
encore plus laide
que celle de l’ancien régime,
pour la raison suivante : c’est qu’elle ne dit pas son nom.
Elle est rampante,
sournoise, inavouée ; elle avance masquée.
Je
m’explique. Il est sans doute considéré comme difficile, même
aujourd’hui, de jeter les opéras de Mozart aux oubliettes. Le
problème, pour nos censeurs inavoués, c’est que ces opéras
contiennent tous la marque des Lumières, de la liberté de penser,
de l’émancipation de la femme. Entre autres choses, Mozart, c’est
ça. Lui qui écrivait à son père en cette même année 1781 :
« C’est à
présent que commence mon bonheur »,
faisant allusion au fait qu’il venait de se libérer de la tyrannie
de l’archevêque de Salzbourg.
Seulement voilà : cette
histoire de liberté se passe en terre d’Islam, et l’affaire
devient délicate. Alors comment faire ?
On le joue, d’accord, puisque, pour le moment, on ne peut pas faire
autrement, il est incontournable ; mais à condition de le
déformer, de lui faire dire le contraire de ce qu’il voulait dire,
de le ridiculiser, de le tourner en dérision. Le grand prêtre de
cette sinistre besogne s’appelle généralement le metteur en
scène. La voilà la censure rampante, hypocrite.
Quelques
exemples. En 1997
déjà, une mise en scène du Festival de Salzbourg (pas moins),
transpose l’action de la cour du Sultan de Constantinople dans…la
bande de Gaza, un spectacle que le Monde de la Musique, pourtant pas
réputé réactionnaire, trouva à l’époque « affligeant ».
A Berne, une autre transposition amènera nos malheureux héros,
décidément grands voyageurs, d’abord chez les Talibans, l’année
suivante dans les montagnes iraquiennes En 2004, le Komische Oper de
Berlin produit un Enlèvement au sérail situé dans un bordel, avec
filles en vitrine et vraies prostituées engagées pour faire de la
figuration. Belmonte se travestit en femme vulgaire et Pedrillo
distribue les capotes. On s’y masturbe allègrement et l’on urine
sur scène comme préliminaire à l’acte sexuel. On s’y
déshabille entièrement dans des cages et l’on y dépèce même un
cadavre.
En 2003, l’opéra de Francfort présente un
Enlèvement d’où ont disparu, rien que ça ! le pacha Selim
et son homme de main Osmin (comme de juste…). Ainsi plus de
risques. Ne reste plus qu’une histoire de couples échangistes. Et
allez donc !
Plus récemment à Genève, la jeune metteuse
en scène, après avoir décrété avec dégoût que cet opéra était
« vieillot », va trouver des solutions pour le
dépoussiérer : Belmonte est devenu l’espion 007 et Blonde
plante un couteau dans le dos d’Osmin.
A Strasbourg (2010)
Waut Koeken déclare qu’il a voulu « dépasser le contexte
orientalisant ». A l’Opéra de Flandre, Eike Gramms situe
l’action en plein désert, fait parler chaque personnage dans sa
langue, et fait envahir le plateau par des maquisards dont on nous
assure qu’ils « ne sont pas des talibans, mais des gens
simples et pauvres qui utilisent les moyens de lutte dont ils
disposent ». On est heureux d’apprendre que Mozart est un de
ces moyens.
Il va de soi que, noyés dans ces capharnaüms à
répétition, les propos de Blondine, si tant est qu’ils soient
conservés, finissent par passer, peuchère, à peu près inaperçus.
Nous voilà sauvés !
Arrêtons là : la liste les
multiples et consternantes contorsions scénographiques serait trop
longue. Ces imposteurs n’ont même pas l’excuse du bon sentiment
et du politiquement correct, car « l’Enlèvement au sérail »
n’est pas à proprement parler une œuvre à charge contre le monde
musulman. En effet,
le pacha Selim incarne une rare noblesse de cœur. Il respecte celle
qu’il aime : « Constance,
c’est à toi seule qu’il appartient de me donner ton
cœur »
(Acte I scène 7). Mieux encore, ayant découvert le complot ourdi
dans son palais pour enlever Constance, Blonde et Pedrillo, il
choisit de
pardonner et
de leur laisser la liberté, laissant ainsi au seul Osmin, au
demeurant si grotesque et caricatural qu’il finit par en être peu
crédible, le monopole de l’attitude tyrannique, certes liée à la
loi islamique qui l’arrange bien. Oui mais justement : on peut
se demander si, dans l’esprit de nos metteurs en scène et de ceux
qui les soutiennent, l’attitude magnanime du Sultan ne constitue
pas une insulte envers le monde musulman. Ne serait-il pas un
renégat, comme le suggère d’ailleurs Pedrillo : « Le
pacha est un renégat et a assez de délicatesse pour ne contraindre
aucune de ses femmes à l’aimer ». Quelle
horreur ! Et la charia ? Et les sourates ? Un homme
décidément bien dangereux ce pacha suffisamment renégat pour être
respectueux des femmes !
En fin de compte, la noble
attitude du sultan ne serait-elle pas une pièce de plus à verser au
dossier ? Cet homme ne serait-il pas un traître ? Quant
aux propos de Blonde, ils restent bien sûr plus que jamais
inadmissibles : « Si
vos femmes sont assez sottes pour se laisser opprimer, tant pis pour
elles ! ». Pour
nos intellos et cultureux islamophiles, le délit de stigmatisation
est patent.
Ainsi
donc, le Mozart de « L’Enlèvement » représente
l’ignoble monde occidental et on va le lui faire payer.
On ne se contentera pas de déformer complètement son œuvre, on va
la salir, la ridiculiser, en y injectant de bonnes doses de
laideur, d’obscénité, de scatologie.
Toute la contre-culture prétendue révolutionnaire apparue dans les
années 1960 va s’en donner à cœur joie en se chargeant de
détruire ce que la civilisation humaine a produit de plus beau et,
ne leur en déplaise, de plus émancipateur et libérateur.
Ce
n’est pas seulement Mozart qu’on assassine, c’est l’humanité
tout entière.
Auteur : Yves Pialot
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Nabucco
RépondreSupprimerVa, pensée Va, pensée, sur tes ailes dorées ;
Va, pose-toi sur les pentes, les collines,
Où embaument, tièdes et suaves,
Les douces brises du sol natal !
Salue les rives du Jourdain,
Les tours abattues de Sion ...
Oh ma patrie si belle que j'ai perdue !
Ô souvenir si cher et funeste !
Harpe d'or des devins fatidiques,
Pourquoi pends-tu, muette, au saule ?
Ranime dans nos cœurs les souvenirs,
Parle-nous du temps passé !
Semblables au destin de Solime
Fais entendre quelques tristes complaintes,
Sinon, que le Seigneur t'inspire une harmonie
Qui nous donne le courage de supporter nos souffrances !
Nabucco de Verdi
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